Par Egon von Greyerz, fondateur de Matterhorn Asset Management et membre du conseil d’administration de OR.FR
Je regarde la Zone euro et je vois que ces pays sont sous pression. L’inflation ralentit… elle est à 0,07% actuellement, et elle a baissé ces trois derniers mois. C’est, évidemment, la raison pour laquelle la Banque centrale européenne a abaissé ses taux de 0,25% récemment.
L’Allemagne s’est opposée à cette baisse, car elle ne veut pas payer pour l’Italie et les autres pays méditerranéens. Comme nous le savons, la déflation constitue la plus grande crainte d’un monde sur-endetté, où les ménages et les gouvernements empruntent de l’argent qu’ils ne pourront jamais rembourser, même à des taux d’intérêt proches de zéro.
Ces dettes ne peuvent être réduites que par la dévaluation totale des monnaies papier, par l’impression monétaire illimitée, et c’est ce qu’ils feront. La déflation est comme un piège de dette qui mène à l’incapacité de rembourser et à un effondrement du système financier. Toutes les statistiques européennes sont mauvaises. Le PMI (Price Manufacturing Index) est plus faible que ce qui était attendu, à un plus bas de trois ans. La France est maintenant en contraction, avec un PMI descendu à 47%, un plus bas de six mois. Bien sûr, le président de la France n’a que 20% d’opinion favorable. Les Français n’aiment pas la morosité… la France est maintenant le nouveau patient malade de l’Europe.
Vu que les pays européens ne peuvent dévaluer leur monnaie par eux-mêmes, ils coupent plutôt dans les coûts de la main-d’oeuvre. Cela arrive aussi au Portugal, en Espagne, en Irlande et en Grèce. Bien sûr, si l’on coupe dans les coûts de la main-d’oeuvre, cela signifie que les gens gagnent moins. Donc, il y a moins de chance que ces gens paient leurs dettes. La BCE se penche sur les taux négatifs pour les dépôts, afin que les banques puissent prêter encore plus d’argent aux ménages et aux entreprises. Aux dernières nouvelles la BCE envisage des prêts à faibles taux à des pays pour leur permettre d’instituer des réformes économiques.
Alors la Banque centrale européenne imprimera encore plus de monnaie et les pays de la Zone euro ajouteront de la dette qu’ils ne pourront jamais rembourser. Nous savons, et la BCE le sait, qu’avec la déflation, l’Europe s’effondrera sous le poids de sa propre dette. Mais la Fed, la BCE et le FMI ne laisseront pas cela arriver. C’est pourquoi nous verrons de nouveaux plans majeurs d’assouplissement quantitatif débuter probablement en 2014.
À part l’Allemagne, le Royaume-Uni est le seul pays européen qui montre certains signes de vie. Mais il faut dire que cette amélioration temporaire en Angleterre est due à leur QE qui supporte un remarquable 25% de leur PIB. Les consommateurs Anglais empruntent plus que jamais, ce qui mène à un déficit massif dans les comptes.
Si nous traversons aux États-Unis, nous voyons que l’économie s’y détériore. Le Philly Fed Index a baissé énormément, les nouvelles commandes ont faibli, et c’est la même chose avec l’Empire State Manufacturing Index. Nous savons aussi que le PIB des États-Unis ne grandit qu’à cause du QE. Le PIB américain, ajusté pour l’inflation réelle, a baissé de 6% depuis 2007, et cette baisse devrait se poursuivre, en termes réels. Alors cette croissance nominale que les chiffres officiels nous indiquent n’est que le résultat de la dette et du QE, elle n’a rien à voir avec une croissance réelle. Et c’est la même chose qui arrive avec la production industrielle et les ventes au détail, qui ont baissé de 20%, en termes réels, depuis 2000.
Pendant ce temps-là, la Bourse américaine, stimulée par le QE, atteint des records. Les investisseurs en bourse ne s’occupent pas du tout de ce qui se passe dans le monde réel. C’est un marché dangereux qui s’écroulera dans les pleurs en 2014. Le pourcentage de bears est à son plus bas niveau depuis 23 ans, à 15%. Et les estimations de revenu baissent pendant que les actions des sociétés continuent de monter.
Évidemment, la Fed sait, et Yellen sait, qu’il n’y a pas de possibilité d’arrêter le QE. La Bourse s’effondrerait. Le marché des obligations s’effondrerait, et l’économie entière avec. Le président de la Chicago Fed vient tout juste de confirmer que le QE pourrait atteindre $1,500 milliards, l’an prochain. D’après moi, le QE sera encore plus élevé par la suite. Je crois qu’en janvier et en février, il n’y aura toujours pas de solution réelle au plafond de la dette des États-Unis, et cela déclenchera la vente de débarras du dollar US et amènera l’effondrement des marchés des obligations.
Et, pendant ce temps, l’Occident offre à l’Orient un cadeau hors de prix en manipulant le prix de l’or-papier à la baisse. Cela permet à l’Orient d’acquérir de l’or physique à des prix que l’on ne reverra jamais. Et ils mettent la main sur tout ce qui leur est offert si gracieusement.
Je suis d’accord avec votre excellente entrevue de William Kaye, dans laquelle il dit que le monde est trop orienté à court terme. La richesse réelle se crée et se préserve en attendant patiemment que les actifs atteignent leur valeur intrinsèque. Alors le dollar atteindra bientôt sa valeur intrinsèque, zéro, et l’or atteindra des niveaux stratosphériques qui sont difficiles à imaginer aujourd’hui.
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