Retrouvez ci-dessous la transcription d’une interview audio de Egon von Greyerz, fondateur de Matterhorn Asset Management et membre du conseil d’administration de OR.FR, diffusée sur le site Kingworldnews.com.
Eric King : Egon, sur quoi portez-vous votre attention aujourd’hui, dans la foulée du désastre Chypriote?
Egon von Greyerz : Quiconque détient des actifs à travers le système bancaire maintenant risque de tout perdre. Vous savez, les investisseurs auraient de meilleures chances en misant sur le noir (à la roulette). Il est absolument critique pour eux de sortir leurs actifs des banques dés maintenant. Ce qui se passe à Chypre n’est pas important, économiquement, pour le monde, mais les conséquences sont extrêmement sérieuses. Chypre n’est pas une surprise. Moi, ainsi que plusieurs des contributeurs de King World News, n’avons cessé d’alerter les investisseurs depuis des années sur le fait que le système bancaire est en faillite. Le désastre de Chypre ne fait que le prouver, et les gouvernements et les organisations internationales ne seront pas capables de faire face à ces effondrements, lesquels surviendront les uns après les autres.
La Troika, Eric, soit la BCE, l’UE et le FMI, ont été totalement dysfonctionnels avec la crise à Chypre. Ils n’avaient ni plan ni entente et, évidemment, aucune des trois organisations n’a d’argent à offrir, elles ne font qu’emprunter aux nations en faillite. Alors, pour Chypre, ce n’était pas un sauvetage, il n’y avait pas de rémission de dette, mais seulement un prêt de 10 milliards d’euros. Un prêt pour « brûler » le pays jusqu’à ce qu’il fasse faillite. Alors les déposants de plus de 100,000 euros doivent avaler le morceau et perdre environ 40% de leur argent, probablement plus. Et, apparemment, des déposants russes et autres ont réussi à sortir leurs fonds via les filiales étrangères des banques cypriotes. Ce qui signifie que la perte pour les déposants restants sera même plus grande que 40%, probablement.
Alors la conséquence est que Chypre aura besoin de beaucoup plus d’argent et que la BCE et, surtout, l’Allemagne, devront financer la chose. Chypre impose maintenant des restrictions sur le capital et des contrôles sur les retraits, les transferts, les cartes de crédit et les transactions sur les monnaies. On dit que cela sera temporaire mais, d’après moi, je ne crois pas que ces restrictions seront levées avant longtemps parce que, si elles l’étaient, cela provoquerait un autre bankrun sur les banques chypriotes. Alors, ce qui est important de comprendre ici, est que Dijsselbloem, à la tête du Eurogroup, a déclaré que Chypre constituait un exemple pour les futurs sauvetages… ce qui signifie, bien entendu, que les déposants, et non les contribuables, souffriront. On voit déjà une fuite de capitaux des banques d’Europe du Sud vers la Suisse, Singapour, Dubai, Panama et d’autres pays.
Mais, Eric, les investisseurs s’illusionnent, car le système bancaire est totalement interconnecté et, donc, aucune banque n’est sûre. C’est pourquoi les investisseurs doivent sortir leurs actifs des banques. Je sais, évidemment, que si tout le monde suivait ces conseils, le système bancaire s’effondrerait. Mais des retraits de l’ordre de 5 à 10% ne rendraient pas une banque totalement insolvable. Nous ne parlons que d’une fraction minoritaire de gens sages qui suivraient ces conseils et sortiraient leurs actifs. Je doute que ce qu’a dit Dijsselbloem, à propos de Chypre étant un modèle, marchera. Quand le prochain pays, que ce soit la Slovénie ou l’Italie, sera sous pression, ses problèmes seront si grands que la BCE, la Fed et les autres banques centrales devront s’impliquer avec de l’impression monétaire massive. Et les politiciens continueront de faire des erreurs fatales en essayant de garder ensemble quelque chose qui se brisera de toute façon. La Grèce, Chypre, l’Italie, l’Espagne etc…
Eric King : Que doivent faire ces pays pour se remettre sur pied, maintenant ?
Egon von Greyerz : Ils ne peuvent se remettre sur pied qu’en laissant l’Union européenne, en abandonnant l’euro et en dévaluant leur monnaie. Et, d’après moi, il est certain que cela arrivera. Quoique les politiciens essaient de faire à court terme, aucun pays ne peut survivre en ajoutant de la dette à la dette, et de la misère à la misère.
Alors, pendant que l’Europe souffre, le dollar se renforce. Mais cela démontre le genre d’optimisme qui règne. Car la situation n’est pas meilleure que dans la plupart des autres pays. Aujourd’hui, les États-Unis sont le pays le plus endetté au monde. Malgré de mauvaises nouvelles, à court terme, pour l’économie américaine, comme la confiance des consommateurs passant de 69 à 59, le Richmond Fed Index baissant de 6 à 3… et, évidemment, les ventes de maisons neuves… vous savez, on a vu un léger rebond, on ne le voit presque pas sur le graphique… elles sont à un niveau extrêmement bas, et elles étaient mauvaises le mois dernier aussi. Et, finalement, le Chicago BMA a aussi baissé. Les signes de faiblesse sont là, l’attention est tournée vers l’Europe pour le moment et, éventuellement, elle se tournera vers les États-Unis, j’en suis absolument convaincu.
Si on regarde l’or, vous savez, la décision de ABN AMRO de ne pas rembourser les investisseurs en or physique, mais plutôt en cash, ce n’est qu’un autre signe que les banques n’ont pas l’or. Il y a beaucoup de signes qui doivent alerter les investisseurs sur l’importance de posséder l’or physique. L’Allemagne est un autre exemple, vous savez, le rapatriement de leur or, ils le veulent, mais ils ne peuvent l’obtenir de New York, de Londres ou de Paris avant 2020… et pourquoi? Bien, parce que l’or, évidemment, n’y est pas. Alors les 23,000 tonnes détenues par les banques centrales de l’Ouest ont peut-être perdu du poids… On sait que James Turk et Eric Sprott on travaillé dur pour prouver qu’elles n’ont pas l’or qu’elles disent avoir. Et, si vous prenez l’or détenu par les bullion banks pour les investisseurs, il est probablement ré-hypothéqué par les banques centrales… Et les banques centrales reprendront leur or des bullion banks, et elles leur donneront une créance (I.O.U.). Ce qui signifie que tout ce qui leur restera sera un I.O.U. des banques centrales, un claim sur de l’or. Et, évidemment, cet or des bullion banks est détenu par des investisseurs, alors ces investisseurs auront, en place et lieu d’or physique, un morceau de papier disant qu’on leur doit de l’or. C’est pourquoi il est si critique pour les investisseurs de stocker tout leur or hors du système bancaire.
Et la demande physique continue d’être très forte, vous savez. Les banques centrales d’Extrême-Orient, d’Orient et de Russie continuent d’ajouter et, en 2012, ils ont ajouté environ pour $25 milliards d’or. Donc, avec une demande forte, ceux qui détiennent de l’or-papier et des positions short souffriront alors que l’or reprendra son mouvement haussier, un fort mouvement haussier en 2013.
«Quoique les politiciens essaient de faire à court terme, aucun pays ne peut survivre en ajoutant de la dette à la dette, et de la misère à la misère..»
Eric King : Egon, quelle est la chose la plus importante que vous retenez de ce vol survenu à Chypre ?
Egon von Greyerz : Eric, comme je l’ai dit souvent, c’était très clair pour moi que cela s’arrêterait quelque part avec un bankrun, et que cela commencerait avec un petit pays. Et Chypre en est un très bon exemple. Mais je crois que cela prouve que le système est foutu. Il ne peut pas être sauvé, et les politiciens vont tout essayer pour garder artificiellement ensemble une chose qui ne devrait pas être gardée ensemble. Alors, encore et encore, il s’agit de la chose la plus importante à comprendre pour les investisseurs : quels que soient les actifs dans le système bancaire, ils ne sont pas en sécurité.
Eric King : Vous attendez-vous à voir ce genre de vol arriver une nouvelle fois ?
Egon von Greyerz : Définitivement. Les investisseurs vont souffrir, les contribuables vont souffrir, ce qui veut dire que le monde va souffrir. Et, quand vous commencez avec un petit pays, d’accord, c’est relativement facile de trouver une solution pour dix milliards, mais quand vous parlez de trilliards, il faudra que ce soit les banques plus grosses, bien sûr, et là on parle de centaines de trilliards et, si un problème se développe avec les produits dérivés, ce qui ne surprendrait pas, et il n’y a pas de recours pour ceux-là, et on parle d’environ un quadrilliard…
Et, bien sûr, c’est ce dont nous parlons depuis assez longtemps, c’est une guerre, maintenant, et elle mènera à l’effondrement des monnaies. L’impression monétaire illimitée et une dépression hyperinflationniste arriveront certainement, car ce système bancaire n’a aucune chance de survivre. Et Chypre n’est qu’un exemple de ce à quoi ressemble le système bancaire dans son ensemble.
Eric King : Donc, cette peur que les gens ressentent à travers le monde est justifiée, selon vous, Egon ?
Egon von Greyerz : Bien sûr. Mais je crois qu’il n’y a pas assez de peur. Si vous regardez le prix de l’or, ou ce qui se passe sur les Bourses, on n’y voit pas encore la peur. Je pense que les gens sont beaucoup trop complaisants. Je crois que nous assisterons à une panique difficile à imaginer aujourd’hui, et je crois bien que nous pourrions en voir le début en 2013, et puis se perpétuer dans les quelques années suivantes.
Eric King : Et, Egon, pour les gens intéressés à GoldSwitzerland et aux services que vous y offrez, pouvez-vous en parler et leur dire comment vous joindre?
Egon von Greyerz : Oui, Eric. Nous aidons les gens à investir dans l’or physique et à le stocker hors du système bancaire en leur propre nom, et quiconque est intéressé peut nous contacter via notre site web GoldSwitzerland.com.
Eric King : Merci d’avoir accepté cette interview.
Egon von Greyerz : C’est toujours un plaisir de vous parler, spécialement en ces temps difficiles.
Laisser un commentaire